VIET NAM: DÉTENTION ARBITRAIRE DE NGUYỄN LÂN THẮNG
- ILAAD
- il y a 9 heures
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La Ligue internationale contre la détention arbitraire exhorte le gouvernement vietnamien à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 51/2024 du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire concernant Nguyễn Lân Thắng, en demandant au gouvernement de le libérer immédiatement et sans condition et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'avis complet du GTDA concernant Nguyễn Lân Thắng : Avis No. 51/2024.
ARRESTATION D'UN JOURNALISTE INDÉPENDANT ET DÉFENSEUR DE LA DÉMOCRATIE
Nguyễn Lân Thắng est un citoyen vietnamien né en 1975, qui résidait à Hanoi. Il a commencé à protester contre la Chine au début des années 2000. Ensuite, il a travaillé comme journaliste indépendant, soutenant la liberté et dénonçant les violations des droits de l'homme à la télévision, à la radio, sur les plateformes en ligne et lors de manifestations.
M. Nguyễn, après un voyage pour rencontrer des représentants de l'ONU à l'aéroport international de Nội Bài à Hanoi en octobre 2013, a été détenu et interrogé pour la première fois. En avril 2014, les autorités ne l'ont pas autorisé à quitter le pays pour assister à des événements aux États-Unise. Il a été arrêté de manière brutale le 5 juillet 2022 par des membres du bureau d'enquête de la police de Hanoï en raison des vidéos « anti-étatiques » postées sur Facebook et YouTube donnant des interviews, mais aussi pour avoir stocké des livres supposément diffamant le Parti communiste vietnamien. Suite à son arrestation, son domicile et la maison de ses proches ont été perquisitionnés et des biens ont été saisis à son domicile. M. Nguyễn a vu sa famille juste après son arrestation mais a ensuite été détenu au secret pendant sept mois. L’inculpation de M. Nguyễn a été annoncée le 17 janvier 2023. Il a pu voir son avocat un mois plus tard et une copie de l'acte d'accusation le 30 mars 2023, après s'être vu refuser un stylo et du papier pour déposer une plainte. Le procès à huis clos, malgré la demande de M. Nguyễn d'en avoir un ouvert, a commencé le 12 avril 2023, 13 jours après son annonce à M. Nguyễn et son avocat.
M. Nguyễn a été reconnu coupable le même jour en vertu de l'article 117 du Code pénal de 2015 et condamné à six ans de prison et deux ans de probation. Il a été emprisonné au poste de police jusqu'à ce que sa famille découvre le 15 juin 2023 qu'il avait été transféré à la prison de Thanh Hóa n° 5 dans le bloc K1, partageant sa cellule avec deux détenus atteints de maladies mentales. Son état de vie et sa capacité à entrer en contact avec sa famille sont préoccupants.
Le groupe de travail a transmis les allégations au gouvernement du Vietnam, qui a choisi de ne pas répondre.
SOUMIS À UNE DÉTENTION PROVISOIRE AU SECRET SANS JUGEMENT INDIVIDUEL
Selon la source, M. Nguyễn a été présenté à un juge neuf mois après son arrestation, en violation de l'article 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et le paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte concernant le droit d'être traduit dans le plus court délai devant un organe judiciaire.
Le Groupe de travail a rappelé la jurisprudence du Comité des droits de l'homme sur le statut exceptionnel de la détention provisoire et sur le fait qu'elle doit être fondée sur une détermination individuelle. Le gouvernement n'a pas répondu au groupe de travail et n'a donc pas justifié la détention provisoire de M. Nguyễn. De ce fait et en violation de l'article 9 (3) du Pacte, sa détention provisoire n'a pas fait l'objet d'une détermination individualisée.
De plus, la source a déclaré que M. Nguyễn a été détenu au secret pendant sept mois sans contact avec son avocat. Il a également été transféré d'un établissement à l'autre sans que sa famille en soit informée. Le groupe de travail a rappelé l'observation du Comité des droits de l'homme à ce sujet ; un accès rapide et régulier aux membres de la famille est essentiel pour protéger les détenus contre la torture, la détention arbitraire et les atteintes à la sécurité personnelle. En raison de l'absence de justification de la part du gouvernement, le Groupe de travail a estimé que M. Nguyễn avait été placé en dehors de la protection de la loi, en violation de son droit d'être en contact avec le monde extérieur et en violation de l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des articles 2 (3) et 16 du Pacte.
Enfin, le groupe de travail a rappelé sa jurisprudence concernant le code pénal vietnamien, en particulier l'article 117, jugé comme vague et trop large. Ainsi, le Groupe de travail a constaté une violation de l'article 11 (2) de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 15 (1) du Pacte, le principe de légalité exigeant que les lois soient formulées avec suffisamment de précision.
Compte tenu de tout ce qui précède, le groupe de travail a conclu que, au sens de la catégorie I, la détention de M. Nguyễn était arbitraire.
DÉTENU POUR AVOIR EXERCÉ SON DROIT À LA LIBERTÉ D'OPINION ET D'EXPRESSION
Selon la source, M. Nguyễn a été détenu pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression et d'opinion, protégé par les articles 19 et 21 du Pacte, en raison de ses critiques publiques du gouvernement et de son statut de journaliste.
Le groupe de travail, en s'appuyant sur sa propre jurisprudence et celle du Comité des droits de l'homme, a estimé que l'article 117 du code pénal était incompatible avec le droit à la liberté d'opinion et d'expression car il était vague et général et ne faisait aucune différence entre l'utilisation de moyens violents et l'utilisation de moyens légitimes et pacifiques.
En outre, le droit à la liberté d'expression et d'opinion des journalistes comprend le droit de critiquer ou d'évaluer ouvertement et publiquement leur gouvernement sans crainte d'ingérence ou de sanction, comme l'a reconnu le Comité des droits de l'homme. Le rapporteur spécial a souligné que la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression ne devraient jamais être restreintes. Des restrictions admissibles existent dans le cadre de la protection des droits d'autrui ou de la sécurité nationale. Le groupe de travail a affirmé qu'en l'espèce, rien ne laissait supposer l'application d'une quelconque restriction autorisée de ce droit, en violation des articles 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et 19 du Pacte.
Le groupe de travail a conclu que la détention de M. Nguyễn était arbitraire au sens de la catégorie II.
PAS DE PROCÈS DEVANT UN TRIBUNAL COMPÉTENT ET IMPARTIAL ET PAS D'ACCÈS EFFECTIF À L'ASSISTANCE JURIDIQUE
Les sources ont indiqué que M. Nguyễn n'a pas été autorisé à communiquer avec un avocat pendant sept mois alors qu'il était détenu au secret et que, par la suite, il n'a été autorisé à le voir que cinq fois et sous surveillance avant son procès. M. Nguyễn s'est vu refuser l'accès à des documents juridiques pour préparer sa défense et son procès a été annoncé 13 jours avant son début. Pour ces raisons, le Groupe de travail a estimé que l'accès extrêmement limité à l'assistance juridique constituait une violation de son droit à l'égalité des armes, à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix, ainsi qu'à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, tous protégés par les articles 14 (1) et 14 (3) (a) et (b) du Pacte.
En outre, il a été décrit que M. Nguyễn a été condamné le jour de son procès à huis clos à une peine de six ans. Son épouse n'a pas été informée de la date de l'audience. Le groupe de travail a estimé qu'un procès aussi court pour une peine aussi lourde était contraire à la présomption d'innocence, puisque la culpabilité de M. Nguyễn semblait avoir été déterminée avant le procès. En outre, il a rappelé qu'un procès à huis clos devrait être une mesure exceptionnelle. L'absence de justification fournie par le gouvernement a conduit le Groupe de travail à conclure à une violation du droit de M. Nguyễn à la présomption d'innocence et du droit à un procès équitable et public, tels que garantis par les articles 14 (1) et (2) du Pacte et les articles 10 et 11 (1) de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Par conséquent, compte tenu de tout ce qui précède, le Groupe de travail a estimé que la violation du droit de M. Nguyễn à un procès équitable et à une procédure régulière avait été d'une gravité telle qu'elle rendait sa privation de liberté arbitraire au sens de la catégorie III.
DÉTENTION DISCRIMINATOIRE FONDÉE SUR LES OPINIONS POLITIQUES
Selon la source, les opinions politiques de M. Nguyễn étaient au centre de sa détention. Le Groupe de travail a noté que M. Nguyễn était souvent victime d'actes d'intimidation visant à le réduire au silence, y compris des interrogatoires de police et l'interdiction d'assister à des événements à l'étranger. Pour ces raisons, le Groupe de travail a considéré que la privation de liberté de M. Nguyễn avait été menée pour des motifs discriminatoires en raison de ses opinions politiques et de son activisme et constituait une violation des articles 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des articles 2 (1) et 26 du Pacte.
Par conséquent, le Groupe de travail a estimé que la privation de liberté de M. Nguyễn était arbitraire au titre de la catégorie V.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a considéré que la détention de Nguyễn Lân Thắng était arbitraire et relevait des catégories I, II, III et V, car sa privation de liberté était contraire aux articles 2, 7, 9, 10, 11 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 2, 9, 14, 15, 16, 19 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Groupe de travail a recommandé au Gouvernement du Viêt Nam de prendre sans délai les mesures nécessaires pour remédier à la situation de Nguyễn Lân Thắng et la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, le recours approprié serait de libérer immédiatement M. Nguyễn Lân Thắng et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
Le Groupe de travail a également prié instamment le Gouvernement de veiller à ce qu'une enquête complète et indépendante soit menée sur les circonstances entourant la privation arbitraire de liberté de Nguyễn Lân Thắng et de prendre les mesures qui s'imposent. Enfin, elle a demandé au gouvernement de mettre ses lois en conformité avec les recommandations de l'avis.
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