TUNISIE : DÉTENTION ARBITRAIRE DE 8 ACTIVISTES POLITIQUES
- ILAAD
- il y a 2 jours
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La Ligue internationale contre la détention arbitraire exhorte le gouvernement de Tunisie de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'Avis n° 35/2024 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Mohamad Khayam ben Ibrahim ben Mustafa al Turki, Chaima bent Issa ben Ibrahim ben Hoagui Issa, Abdelhamid ben Abdelkader ben Mohamad al Jelassi, Issam ben Abdelaziz ben Ahmed al Chebbi, Ghazi ben Mohamad ben al Hadi al Chaouachi, Ridha ben al Bachir ben Mohamad Belhaj, Jaouhar ben Ezzedine ben Mohamed al Habib ben M'barek et Mohamad Lazher al Akremi, demandant au gouvernement tunisien de les libérer immédiatement et sans condition et de leur accorder un droit exécutoire à une compensation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
Lire l'avis complet du GTDA concernant les 8 individus (Tunisie) : Avis n° 35/2024.
HUIT PERSONNES ARRÊTÉES POUR CONSPIRATION CONTRE LA SÉCURITÉ NATIONALE
Les 8 individus concerné.e.s sont tous de nationalité tunisienne né.e.s entre 1957 et 1979. Tous sont soit des militant.e.s politiques, des journalistes, des avocat.e.s ou des personnalités affiliées à des partis ou mouvements d'opposition tels que le « Front de salut national » et « Citoyens contre le coup d'Etat ».
Entre le 11 et le 25 février 2023, ces 8 personnes ont été arrêtées dans des circonstances différentes par des agents de la brigade antiterroriste du Ministère de l'Intérieur : M. Al Turki, M. Al Jelassi, M. Al Chaouachi, M. Belhaj, M. Ben M'Barek et M. Al Akremi ont été arrêtés à leur domicile, tandis que Mme Issa et M. Al Chebbi ont été arrêtés alors qu'ils se trouvaient dans leur voiture avec un membre de leur famille. La source affirme que les 8 individus ont été arrêtés sans que les raisons de leur arrestation ne leur soient donné.
Leur arrestation aurait eu lieu dans le cadre d'une enquête en cours sur une « affaire de conspiration contre la sécurité nationale ». Ils.elles ont tous été accusé.e.s d'appartenance à un groupe terroriste et de tentatives de renversement du gouvernement. La source a indiqué que ces accusations avaient été portées en réponse à leur activisme politique, à leur participation à des manifestations pacifiques et à leurs critiques à l'égard du gouvernement.
Bien que le groupe de travail ait transmis ces allégations au gouvernement tunisien, celui-ci a choisi de ne pas répondre.
ARRÊTÉS SANS MANDAT ET NON PRÉSENTÉ.E.S À UN JUGE DANS LES DÉLAIS REQUIS
La source a indiqué que les huit personnes avaient été placées en détention sans procédure légale appropriée. Le Groupe de travail a rappelé sa jurisprudence, réaffirmant que toute privation de liberté doit être strictement conforme aux normes internationales. Selon la source, dans les cas de M. Belhaj et de M. Ben M'barek, leur arrestation a eu lieu sans mandat d'arrêt, en violation de l'article 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 9 (1) du Pacte, ce que le Groupe de travail a accepté.
De plus, aucun des 8 individus n'a été informé.e des charges retenues contre eux.elles au moment de leur arrestation. Bien que les autorités aient affirmé détenir des mandats d'arrêt et de perquisition, elles n'ont pas permis aux individus de lire ces documents, les privant ainsi de leur droit de comprendre les raisons de leur arrestation et de contester effectivement leur détention. Le groupe de travail a donc conclu à une violation de l'article 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 9 (2) du Pacte.
En outre, la source a déclaré que M. Al Turki, M. Al Jelassi, M. Al et Mme Issa n'ont pas été présenté.e.s à un juge dans le délai requis de 48 heures. À cet égard, le Groupe de travail a réitéré que ces retards dépassaient le délai autorisé et constituaient une violation de l'article 9 (3) du Pacte.
Par conséquent, le groupe de travail a estimé que les arrestations et les détentions de ces huit personnes étaient dépourvues de base légale et arbitraires au titre de la catégorie I, car elles violaient les articles 3 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
DÉTENUS POUR AVOIR EXERCÉ LEUR DROIT À LA LIBERTÉ D'OPINION ET D'EXPRESSION
Selon la source, les détentions des 8 individus résultent directement de l'exercice de leurs libertés fondamentales, y compris leur droit d'exprimer leurs opinions, de se réunir pacifiquement et de participer aux affaires publiques. Compte tenu des éléments présentés par la source et de l'absence de réponse substantielle de la part du gouvernement, le Groupe de travail a estimé que ces personnes avaient en fait été prises pour cible en raison de l'exercice légitime de leur droit à la liberté d'opinion et d'expression, en violation de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 19 du Pacte.
De plus, la source a fait valoir que leur détention était une conséquence directe de leur participation à des manifestations et assemblées pacifiques ainsi que de leur engagement dans les affaires publiques, en violation des articles 20 et 21 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des articles 21, 22 et 25 du Pacte.
Par conséquent, le groupe de travail a estimé que les détentions des huit personnes étaient arbitraires et relevaient de la catégorie II.
VIOLATIONS DE LEUR DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
Compte tenu de ses conclusions quant à la catégorie II, le groupe de travail a estimé qu'aucun procès n'aurait dû avoir lieu. Toutefois, les procès ayant eu lieu, le Groupe de travail a évalué les observations de la source concernant les violations alléguées du droit à un procès équitable.
Selon la source, les huit personnes ont été victimes de graves violations de leur droit à un procès équitable, ce qui a renforcé le caractère arbitraire de leur privation de liberté. En particulier, M. Al Turki, M. Al Jelassi, Mme Issa, M. Ben M'barek et M. Al Chebbi se sont vu refuser l'accès à une assistance juridique pendant 48 heures et ont été interrogés sans la présence d'un avocat. Pour ces raisons, le groupe de travail a conclu à une violation de l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 14 (3)(d) du Pacte.
En outre, aucune des huit personnes n'aurait été jugée par un tribunal compétent, indépendant et impartial. À cet égard, le groupe de travail a accepté les allégations selon lesquelles le pouvoir exécutif aurait exercé des pressions sur le pouvoir judiciaire et le ministère public pour accélérer les enquêtes et les poursuites, compromettant ainsi l'impartialité de la procédure. Il a donc conclu à une violation de l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 14 (1) du Pacte. De plus, les individus ont été privés de leur droit de présenter et de contre-interroger les témoins, puisqu'ils n'ont pas eu accès aux témoignages supposés anonymes utilisés contre eux, ce qui constitue une violation de l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 14 (3) (e) du Pacte.
Par ailleurs, la source a fait valoir qu'avant tout procès, des déclarations publiques, y compris celles du Président, les avaient présentés comme coupables d'actes liés au terrorisme. Le groupe de travail a rappelé que de telles déclarations contreviennent directement au principe fondamental de la présomption d'innocence et a conclu que leur droit à la présomption d'innocence avait été violé conformément à l'article 11 (2), de la Déclaration universelle des droits de l'homme et à l'article 14 (2) du Pacte.
Par conséquent, et en l'absence de toute réfutation de la part du gouvernement, le groupe de travail a conclu que les violations du droit à un procès équitable des huit personnes étaient suffisamment graves pour rendre leur détention arbitraire dans la catégorie III.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES SUR LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a considéré que la détention de Mohamad Khayam ben Ibrahim ben Mustafa al Turki, Chaima bent Issa ben Ibrahim ben Hoagui Issa, Abdelhamid ben Abdelkader ben Mohamad al Jelassi, Issam ben Abdelaziz ben Ahmed al Chebbi, Ghazi ben Mohamad ben al Hadi al Chaouachi, Ridha ben al Bachir ben Mohamad Belhaj, Jaouhar ben Ezzedine ben Mohamed al Habib ben M'barek, et Mohamad Lazher al Akremi était arbitraire et relevait des catégories I, II et III, car leur privation de liberté était contraire aux articles 3, 9, 10, 19, 20 et 21 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 9, 14, 19, 21, 22 et 25 du Pacte.
Le groupe de travail a recommandé au gouvernement tunisien de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour remédier à leur situation sans délai et la rendre conforme aux normes internationales pertinentes. Le Groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, la solution appropriée serait de libérer immédiatement les six personnes qui restent en détention et d'accorder aux huit personnes un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
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