La Ligue Internationale Contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement togolais à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l’Avis n° 39/2023 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Abdoul Aziz Goma, en commençant immédiatement pour le Gouvernement togolais et libérer sans condition Abdoul Aziz Goma et lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d’autres réparations conformément au droit international.
Lire l’avis complet du GTDA concernant Abdoul Aziz Goma (Togo) : Avis No. 39/2023.
ARRÊTÉ DANS LE CADRE D'UNE VASTE CAMPAGNE DE RÉPRESSION DES VOIX DISSIDENTES
Abdoul Aziz Goma est un homme d'affaires Togolais de nationalité Irlandaise, qui vivait en Irlande et au Royaume-Uni.
En décembre 2018, Mr. Goma se trouvait au Togo dans le cadre de ses activités professionnelles. Le 19 décembre, Mr. Goma a aidé un ami à héberger huit jeunes qui étaient venus dans la ville de Lomé pour participer à une manifestation pacifique dans le cadre des élections prévues à ce moment-là au Togo, mais qui ne parvenaient pas à joindre la personne qui devait initialement les prendre en charge une fois arrivés sur place. Il leur a également remis de l'argent pour les aider à rentrer au Ghana le lendemain matin. Le lendemain, Mr. Goma a été remercié par la personne qui avait invité ces huit personnes à Lomé et s'est séparé d'elles définitivement.
Le 21 décembre, alors que Mr. Goma et les personnes qu'il avait rencontrées pour le dîner rentraient chez eux, ils ont été encerclés par un groupe d'hommes armés en civil qui les ont attaqués. Ils ont été battus, menottés et transférés au siège du Service central de recherche et d'investigation criminelle, où ils ont appris qu'ils avaient été arrêtés par l'Unité spéciale d'intervention de la gendarmerie. Le lendemain, Mr. Goma a été informé qu'il avait été arrêté pour avoir fait appel à des individus du Ghana dans le but de déstabiliser le Togo. Le 31 décembre, Mr. Goma a été présenté au Procureur de la République et informé des charges retenues contre lui, à savoir : destruction volontaire de biens publics, troubles graves à l'ordre public, association de malfaiteurs et atteinte à la sûreté et à la sécurité de l'État. La source a expliqué que l'arrestation de Mr. Goma devait être comprise dans le contexte de la répression de l'opposition politique, y compris toute voix critique ou dissidente, par les autorités togolaises au cours des dernières années.
Entre janvier 2019 et janvier 2022, Mr. Goma a d'abord été transféré à la prison civile de Lomé, puis à la prison secrète de la gendarmerie nationale de Lomé et enfin de nouveau à la prison civile de Lomé. Au moment de la communication de la source, Mr. Goma y était toujours incarcéré. Bien que le Gouvernement ait eu la possibilité de répondre à ces allégations, il a choisi de ne pas le faire.
ARRÊTÉ SANS MANDAT D'ARRÊT, PLACÉ EN DÉTENTION PROVISOIRE ET SOUMIS À UNE DISPARITION FORCÉE
Au moment de son arrestation, les autorités n'ont pas présenté à Mr. Goma un mandat d'arrêt et ne l'ont pas informé sans délai des raisons de son arrestation, ce que le Groupe de Travail a considéré comme une violation des articles 9(1) et 9(2) du Pacte. En outre, Mr. Goma s'est vu refuser sa demande de mise en liberté sous caution, ce que ni le Procureur ni le Gouvernement n'ont justifié de manière appropriée. De ce fait, considérant qu'il n'y avait aucune raison justifiant sa détention préventive, le Groupe de Travail a estimé qu'il s'agissait d'une violation de l'article 9(3) du Pacte.
En outre, MR. Goma a été détenu au secret à deux reprises, d'abord pendant les 10 jours qui ont suivi son arrestation et ensuite pendant 4 mois à partir de juin 2020. Pendant ces deux périodes, Mr. Goma s'est vu refuser l'accès à sa famille et à son avocat, et sa famille n'a reçu aucune information sur sa localisation ni aucun moyen de le contacter. Le Groupe de Travail a considéré que ces situations équivalaient à des disparitions forcées. En tant que tel, le Groupe de Travail a estimé que les droits de Mr. Goma de contester la légalité de sa détention, de bénéficier d'un recours effectif et d'être protégé par la loi, consacrés par les articles 6 et 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et par les articles 2(3), 9(4) et 16 du Pacte, avaient été violés.
En conséquence, le Groupe de Travail a conclu que l'arrestation et la détention de Mr. Goma étaient arbitraires au sens de la catégorie I, aucune base légale n'ayant été trouvée pour les justifier.
DÉNI DE SES DROITS À LA LIBERTÉ D'ASSEMBLÉE PACIFIQUE ET D'ASSOCIATION, AINSI QUE DE SON DROIT À PRENDRE PART À LA DIRECTION DES AFFAIRES PUBLIQUES
Mr. Goma a été arrêté pour son association présumée avec des individus qui prévoyaient de participer à une manifestation pacifique en rapport avec les élections législatives, bien que n'ayant pas participé lui-même à cette manifestation. La source a noté que ce cas s'inscrivait dans une tendance plus large de détentions par les autorités togolaises d'individus interagissant avec des manifestants ou leur apportant un soutien matériel.
Compte tenu de l'absence de réponse du Gouvernement, le Groupe de Travail a établi que la détention de Mr. Goma résultait de l'exercice légitime de ses droits à la liberté de réunion pacifique, à la liberté d'association et au droit de prendre part à la direction des affaires publiques, en violation des articles 21, 22 et 25 du Pacte. Par conséquent, le Groupe de Travail a conclu que la détention de M. Goma était arbitraire dans la catégorie II.
DÉTENU PENDANT QUATRE ANS SANS PROCÈS ET PRIVÉ D'UNE REPRÉSENTATION JURIDIQUE APPROPRIÉE
Mr. Goma est détenu depuis le 21 décembre 2018 et, au moment de la communication de la source, depuis plus de quatre ans. Aucun procès n'a eu lieu et aucune date de procès n'a été fixée non plus. Compte tenu de cela, le Groupe de Travail a estimé que la détention prolongée de Mr. Goma sans procès dépassait la durée raisonnable, violant ainsi son droit d'être jugé dans un délai raisonnable et sans retard injustifié, consacré par les articles 9(3) et 14(3)(c) du Pacte.
En outre, après son arrestation, Mr. Goma s'est vu refuser l'accès à un avocat jusqu'en octobre 2020. Même après cela, son avocat a été absent à des étapes clés de la procédure, comme lorsque le juge d'instruction a informé Mr. Goma de l'abandon de certaines charges et lui a demandé de signer des documents juridiques, en août 2021. De ce fait, le Groupe de Travail a considéré que les droits de Mr. Goma à être assisté par un avocat de son choix et à l'égalité des armes, consacrés par les articles 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et par l'article 14(3)(b) et (d) du Pacte, avaient été violés.
Enfin, Mr. Goma a été victime d'agressions physiques et de tortures à de multiples reprises. Le 14 juin 2021, Mr. Goma aurait d'ailleurs déposé une plainte officielle concernant les tortures qu'il aurait subies, mais au moment de la communication de la source, aucune enquête n'avait encore été ordonnée. Le Groupe de Travail a rappelé que de tels mauvais traitements sont interdits, et qu'ils pouvaient même avoir altéré la capacité de Mr. Goma à participer à sa propre défense, ce qui constituerait une violation de l'article 14 du Pacte.
Le Groupe de Travail a donc conclu que les violations du droit de Mr. Goma à un procès équitable étaient d'une gravité telle que sa détention était arbitraire au sens de la catégorie III.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a considéré que la détention d'Abdoul Aziz Goma était arbitraire et relevait des catégories I, II et III car sa privation de liberté était contraire aux articles 3, 6, 8, 9, 10, 11, 21 et 22 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et aux articles 2, 9, 14, 16, 21, 22 et 25 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
Le Groupe de Travail a recommandé au Gouvernement Togolais de prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation d'Abdoul Aziz Goma et la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe de Travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, le remède approprié serait de le libérer immédiatement et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
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