La Ligue Internationale contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement de la Libye à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 41/2023 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Osama Muhammad Saleh al-Ghafir al-Obeid, en demandant au Gouvernement Libyen de le libérer immédiatement et sans condition et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'avis complet du GTDA sur Osama Muhammad Saleh al-Ghafir al-Obeid (Libye) : Avis No. 41/2023.
UN COLONEL ARRÊTÉ PENDANT UNE MISSION OFFICIELLE POUR LE GOUVERNEMENT D'ENTENTE NATIONALE
Osama Muhammad Saleh al-Ghafir al-Obeid est un ressortissant libyen, né en 1971. Il est officier au sein du Ministère de la Défense du Gouvernement d'Entente Nationale à Tripoli. Le Colonel Al-Obeid faisait partie d'un bataillon chargé de sécuriser les champs pétroliers de la région de Syrte, sous le commandement de l'ancien Ministre de la Défense du Gouvernement d'Entente Nationale.
Le 12 juillet 2016, alors qu'il était en mission, le Colonel Al-Obeid a été arrêté par un groupe de soldats de la brigade Tariq bin Ziyad, affiliée à l'Armée nationale libyenne. Avant son arrestation, ladite brigade se battait pour reprendre le contrôle des champs pétroliers, sous le commandement du général Haftar, sur laquelle le gouvernement n'a aucun contrôle. Le Colonel Al-Obeid a ensuite été emmené à bord d'un avion militaire vers une destination inconnue. Un mois après son arrestation, le Colonel Al-Obeid est apparu à la télévision, sur une chaîne connue pour sa propagande, et a été contraint de nier la légitimité de sa mission. Au moment de la communication de la source, le Colonel Al-Obeid était détenu à la prison de Gernada.
Le Gouvernement libyen a eu la possibilité de répondre à ces allégations, ce qu'il a choisi de ne pas faire.
ARRÊTÉ SANS MANDAT D'ARRÊT, SOUMIS À UNE DISPARITION FORCÉE ET DÉTENU AU SECRET
Premièrement, le Colonel Al-Obeid a été arrêté sans qu'un mandat d'arrêt ne lui ait été présenté et sans qu'il ait été informé des raisons de son arrestation. Après celle-ci, le Colonel Al-Obeid n'a pas non plus été rapidement informé des motifs l'ayant justifié. Compte tenu de ces éléments, le Groupe de Travail a établi que les articles 3 et 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme avaient été violés.
Suite à son arrestation le 12 juillet 2016 et jusqu'au 15 février 2022, à l'exception du 12 août 2016 où il est apparu à la télévision, le lieu où se trouvait le Colonel Al-Obeid a été caché à sa famille. Pendant cette période, le Colonel Al-Obeid n'a pas eu accès à ses avocats, ni à aucune procédure judiciaire. De ce fait, le Groupe de Travail a considéré que le Colonel Al-Obeid avait été soumis à une disparition forcée et à une détention au secret pendant cette période, en violation de l'article 9 (1) du Pacte.
En outre, cette situation l'a privé de son droit d'être protégé par la loi, en violation de l'article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de l'article 16 du Pacte, ainsi que de son droit de contester la légalité de sa détention, en violation de l'article 9 (3) et (4) du Pacte. Par conséquent, l'impossibilité de contester sa détention a également porté atteinte à son droit à un recours effectif en vertu de l'article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de l'article 2 (3) du Pacte.
Enfin, après son arrestation, le Colonel Al-Obeid aurait été détenu dans différents lieux de détention sans être présenté à une autorité judiciaire compétente. Au moment de la communication de la source, il était détenu depuis 7 ans sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre lui ni qu'aucune procédure n'ait été engagée. Considérant que la détention provisoire devrait être exceptionnelle et qu'en l'espèce elle ne semble pas justifiée, le Groupe de Travail a constaté une nouvelle violation de l'article 9 (3) du Pacte.
Par conséquent, le Groupe de Travail a estimé que l'arrestation et la détention du Colonel Al-Obeid étaient arbitraires au titre de la catégorie I.
DÉTENU PENDANT PLUS DE SEPT ANS SANS JAMAIS AVOIR ÉTÉ JUGÉ
Après son arrestation, le Colonel Al-Obeid a été emmené dans un lieu inconnu et détenu secrètement. Pendant cette période, il s'est vu refuser le droit d'accès à une assistance juridique et, à ce titre, le Groupe de Travail a constaté une violation de l'article 14 (3) (b) du Pacte et de l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Compte tenu des conclusions susmentionnées concernant sa disparition forcée, le Groupe de Travail a en outre noté que ces violations avaient considérablement réduit sa capacité à se défendre dans le cadre d'une procédure judiciaire. Étant donné qu'au moment de la communication de la source le Colonel Al-Obeid était détenu depuis plus de sept ans sans avoir jamais été jugé, le Groupe de Travail a constaté une violation de son droit d'être jugé dans un délai raisonnable et sans retard excessif, consacré par les articles 9 (3) et 14 (3) (c) du Pacte.
En outre, le Groupe de Travail s'est déclaré préoccupé par la manière dont le Colonel Al-Obeid avait été contraint d'apparaître à la télévision pour nier la légitimité de la mission officielle dont il était chargé au moment de son arrestation. Le Groupe de Travail a notamment noté le mauvais état de santé du Colonel Al-Obeid lors de cette intervention, ainsi que les allégations selon lesquelles il aurait été soumis à de la torture par les autorités. Compte tenu de ces éléments, le Groupe de Travail a soumis le cas au Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de Travail a conclu que les violations du droit à un procès équitable et à une procédure régulière du Colonel Al-Obeid étaient d'une gravité telle qu'elles conféraient à sa privation de liberté un caractère arbitraire relevant de la catégorie III.
CIBLÉ EN RAISON DE SES OPINIONS POLITIQUES ET DE SA POSITION DE COLONEL
Le Groupe de Travail a estimé que les faits non réfutés présentés par la source indiquent que la privation de liberté du Colonel Al-Obeid et le fait qu'il ait été pris pour cible par la milice affiliée à l'Armée nationale libyenne étaient dus à ses opinions politiques en tant qu'officier sous le commandement de l'ancien Ministre de la défense du Gouvernement d'Entente Nationale, auquel ladite milice a toujours été hostile. Pour conclure cela, le Groupe de Travail s'est notamment appuyé sur le contexte de l'arrestation du Colonel Al-Obeid, ainsi que sur son apparition forcée à la télévision. À ce titre, le Groupe de Travail a estimé que la détention du Colonel Al-Obeid était discriminatoire, en violation de l'article 26 du Pacte et des articles 2 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Par conséquent, le Groupe de Travail a considéré que sa détention était arbitraire au titre de la catégorie V.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a estimé que la privation de liberté d'Osama Muhammad Saleh al-Ghafir al-Obeid était arbitraire et relevait des catégories I, III et V, car elle était contraire aux articles 2, 3, 6, 7, 8, 9 et 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et aux articles 2, 9, 14, 16 et 26 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
Le Groupe de Travail a demandé au Gouvernement libyen de prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation du Colonel Al-Obeid et la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe de Travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, la solution appropriée consisterait à libérer immédiatement le colonel Al-Obeid et à lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
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