La Ligue Internationale contre la Détention Arbitraire exhorte le gouvernement du Koweït à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 28/2023 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Bachar Kiwan, demandant au gouvernement du Koweït de libérer immédiatement et sans condition Bachar Kiwan et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'avis complet du GTDA concernant Bachar Kiwan (Koweït) : Avis n°28/2023.
ARRÊTÉ ILLÉGALEMENT ET SOUMIS À UNE DÉTENTION SECRÈTE
Bachar Kiwan est un double ressortissant franco-syrien, né le 30 novembre 1966 au Koweït. M. Kiwan a lancé et présidé un projet de groupe de presse au Koweït nommé Al Waseet International, qui s'est rapidement développé dans la région du Golfe. M. Kiwan est l'actionnaire majoritaire du groupe Al Waseet International, où plusieurs membres de la famille royale koweïtienne possèdent également des actions. En 2016, la famille royale koweïtienne aurait utilisé l'appareil sécuritaire de l'État pour licencier M. Kiwan de l'entreprise et exproprier son exploitation, tout en violant ses droits fondamentaux afin d'utiliser le groupe à des fins de détournement de fonds à grande échelle.
M. Kiwan a été arrêté le 2 novembre 2017 dans les locaux de son entreprise par six individus en civil. Il semblerait qu'aucun mandat d'arrêt ne lui ait été présenté et qu'on ne lui ait pas donné d'explication sur les raisons de son arrestation. Le gouvernement a ensuite affirmé que M. Kiwan avait été arrêté conformément à un jugement du 1er novembre 2017, le condamnant à cinq ans de prison avec travaux forcés, expulsion du pays et confiscation de faux documents. Le Groupe de travail a estimé que l'existence de ce jugement ne dispensait pas les autorités de leur obligation de lui présenter un document ordonnant sa détention et de l'informer des raisons de son arrestation au moment de son arrestation. Le Groupe de travail a donc conclu que les droits de M. Kiwan à la liberté et sécurité de sa personne, ainsi qu'à ne pas être détenu arbitrairement, garantis par les articles 3 et 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et l'article 9(1) et (2) du Pacte, avaient été violés.
Suite à son arrestation, M. Kiwan a été détenu dans les locaux des services secrets, dans un lieu tenu secret, pendant près de 50 jours, durant lesquels il n'a pas été présenté devant une autorité judiciaire. Le Groupe de travail a estimé qu'il s'agissait d'une violation de l'article 9(3) du Pacte. Au cours de la première semaine de sa détention, M. Kiwan n'a pas pu communiquer avec qui que ce soit, en violation du droit de contester la légalité de sa détention devant un tribunal en vertu de l'article 9(4) du Pacte. Étant donné que M. Kiwan n'a pas pu contester sa détention devant un tribunal, son droit à un recours garanti par l'article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et l'article 2(3) du Pacte a également été violé. Il a également été placé hors de la protection de la loi, en violation de son droit d'être reconnu comme personne devant la loi en vertu de l'article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de l'article 16 du Pacte.
En conséquence, le Groupe de travail a estimé que le Gouvernement n’avait établi aucun fondement juridique pour la détention de M. Kiwan, ce qui la rendait arbitraire au titre de la catégorie I.
SOUMIS À DES VIOLATIONS GRAVES DE SON DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
Au cours de sa détention secrète, M. Kiwan a été interrogé à plusieurs reprises sans la présence d'un avocat. Malgré les réfutations du gouvernement, le Groupe de travail considère que la source a établi prima facie que M. Kiwan s'était vu refuser son droit à l'assistance d'un avocat, en violation de l'article 14 du Pacte.
En outre, entre septembre 2016 et novembre 2017, les avocats de M. Kiwan ont subi des pressions de la part des autorités pour qu'ils cessent de le représenter et se retirent de son dossier, notamment des poursuites et la condamnation à trois mois de prison de deux de ses avocats au motif qu'ils avaient porté atteinte à leur droit, au nom et à la réputation d'un membre de la famille royale en raison de la publication d'un communiqué relatant les poursuites judiciaires contre M. Kiwan. Le Groupe de travail a estimé que ces actes constituaient une violation des articles 10 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de l'article 14(3)(b) du Pacte.
De plus, lors de son interrogatoire par les services secrets, M. Kiwan aurait été torturé et soumis à des traitements inhumains afin de le contraindre à divulguer ses mots de passe professionnels et privés, qui ont ensuite été utilisés par le parquet contre M. Kiwan. Le Groupe de travail en a conclu que M. Kiwan avait été soumis à un traitement contraire à l'interdiction absolue de la torture, qui est une norme impérative du droit international, notamment à travers la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
En outre, concernant l'utilisation de réponses données en l'absence de représentation légale et obtenues par la torture ou des mauvais traitements, le Groupe de travail a estimé que les autorités avaient violé le droit de M. Kiwan de ne pas être contraint à avouer sa culpabilité en vertu de l'article 14(3)(g) du Pacte, ainsi que son droit à un procès équitable en vertu de l'article 14 du Pacte et de l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Enfin, M. Kiwan n'a pas bénéficié du droit d'être entendu devant un tribunal indépendant et impartial, car le jugement du 1er novembre 2017 était politiquement motivé et rendu par un tribunal inefficace et manquant d'indépendance. Les mêmes juges ont également été impliqués dans trois des cinq jugements prononcés contre M. Kiwan, deux de ces jugements portant sur des accusations similaires, à savoir la falsification de divers documents. Au cours de la procédure judiciaire, les avocats de M. Kiwan ont été poursuivis et condamnés à trois mois d’emprisonnement et à une amende. Ces événements ont conduit le Groupe de travail à conclure que M. Kiwan avait été privé de son droit d'être entendu par un tribunal indépendant et impartial, en violation de l'article 14 du Pacte.
Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de travail en a conclu que les violations du droit de M. Kiwan à un procès équitable étaient d’une telle gravité qu’elles rendaient sa détention arbitraire au titre de la catégorie III.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière des éléments susmentionnés, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a considéré que la détention de Bachar Kiwan était arbitraire et relevait des catégories I et III car sa privation de liberté était contraire aux articles 3, 6, 8, 9, 10 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et articles 2, 9, 14 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a recommandé au Gouvernement koweïtien de prendre sans délai les mesures nécessaires pour remédier à la situation de Bachar Kiwan et la rendre conforme aux normes internationales applicables, en commençant par sa libération immédiate, et lui accorder le droit exécutoire de compensations et autres réparations.
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