IRAQ : DÉTENTION ARBITRAIRE D'AHMAD ABDULRAZZAK BASHA KAZIM
- ILAAD
- 10 févr.
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La Ligue internationale contre la détention arbitraire exhorte le Gouvernement iraquien de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n°57/2023 du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire concernant Ahmad Abdulrazzak Basha Kazim, en demandant au Gouvernement iraquien de le libérer immédiatement et sans condition ainsi que lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'avis complet du GTAD concernant Ahmad Abdulrazzak Basha Kazim (Iraq) : Avis n° 57/2023.
ARRÊTÉ PAR DES MEMBRES DE LA DIRECTION DE LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ
Le 28 septembre 2012, M. Kazim a été arrêté à son domicile par des membres de la Direction de la lutte contre la criminalité du Ministère de l'intérieur. Cette arrestation serait fondée sur des informations obtenues d’un autre détenu par la torture, ainsi que sur le fait qu'il avait déjà été arrêté en 2007 par les forces de la coalition lors d'arrestations massives en Iraq. Depuis son arrestation en 2012, M. Kazim a été détenu dans différents lieux, le dernier connu au moment de la communication de la source étant la prison d’Al-Nasiriyah.
En 2016 et 2018, M. Kazim aurait été soumis à des actes de torture qui l'ont amené à avouer ses crimes présumés, à savoir avoir mis en place des engins explosifs avec d'autres individus, notamment l'autre détenu susmentionné. En 2020, cet autre détenu et M. Kazim ont été accusés et condamnés pour ces crimes. Au moment de la communication de la source, M. Kazim souffrait d'une inflammation des reins et d'une perte auditive, sans bénéficier d'un traitement médical approprié.
Le Gouvernement a eu la possibilité de contester ces allégations, ce qu'il n'a pas fait.
ARRÊTÉS SANS BASE LÉGALE ET SOUS DE FAUSSES ACCUSATIONS
Tout d'abord, le jour de son arrestation, aucun mandat n’a été présenté à M. Kazim, et il n'a pas été informé des raisons de son arrestation ni des charges retenues contre lui. Le Groupe de travail a donc constaté une violation de l'article 9(1) et (2) du Pacte. En outre, il n'a été présenté à une autorité judiciaire que trois jours après son arrestation, lorsqu'il a été informé des charges retenues contre lui. Le Groupe de travail a donc constaté que les droits de M. Kazim son droit d’être traduit devant un juge dans le plus court délai et de contester sans délai la légalité de sa détention, consacrés par les paragraphes 3 et 4 de l'article 9 du Pacte, avaient tous deux été violés.
En outre, au cours du premier mois suivant son arrestation, M. Kazim a été détenu au secret et mis à l'isolement. Le Groupe de travail a estimé que cette situation constituait une violation supplémentaire du droit de M. Kazim de contester la légalité de sa détention, en violation des paragraphes 3 et 4 de l'article 9 du Pacte. En outre, compte tenu de ces circonstances, le Groupe de travail a estimé que les droits de M. Kazim à un recours effectif, consacré par l'article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et l'article 2, paragraphe 3, du Pacte, et à la reconnaissance de sa personnalité juridique, consacré par l'article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et l'article 16 du Pacte, avaient été bafoués.
Par conséquent, compte tenu de tout ce qui précède, le Groupe de travail a conclu que l'arrestation et la détention de M. Kazim étaient arbitraires au sens de la catégorie I.
MULTIPLES VIOLATIONS DE LEUR DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
Tout d'abord, M. Kazim n’a pas eu accès rapidement à un avocat de son choix puisque c'est le tribunal qui lui a désigné son avocat. Il n'a pas pu s’entretenir en privé avec son avocat, ni avant sa première comparution devant le juge après son arrestation, ni au cours de son procès. Son avocat n'a jamais pu le rencontrer dans les différents centres de détention et prisons où il a été détenu. Le Groupe de travail a donc constaté que le droit de M. Kazim de se faire assister par un avocat à tout moment, consacré par l'article 14(3)(b), avait été violé. Ce droit est inhérent aux droits à la liberté et à la sécurité de la personne, garantis par l'article 9 du Pacte et les articles 3 et 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, ainsi qu’au droit qu’a toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial créé par la loi, garanti par l'article 14 du Pacte et les articles 10 et 11(1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Par voie de conséquence, le Groupe de travail a considéré que ces droits ont également été violés.
De plus, l'avocat de M. Kazim n'a pas eu accès à son dossier. Le Groupe de travail a déclaré que les dossiers doivent pouvoir être consultés dès le début d’une affaire, à moins qu’un motif ne justifie un accès restreint. Considérant qu'un tel motif n'existait pas en l'espèce, le Groupe de travail a estimé que les droits de M. Kazim à un procès équitable, consacré par l'article 14(1) du Pacte et les articles 10 et 11(1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, ainsi que le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, avaient été violés.
En outre, à plusieurs reprises, M. Kazim a été soumis à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements, portant préjudice à sa capacité à préparer sa défense. En particulier, M. Kazim a été contraint de signer des aveux. Le Groupe de travail a conclu que cette situation avait violé le droit de M. Kazim à se défendre, en vertu de l'article 14 du Pacte, ainsi que le droit de ne pas être contraint de s'avouer coupable, en vertu de l'article 14(3)(g) du Pacte et de l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. De même, le Groupe de travail a estimé que son droit à la présomption d'innocence en vertu de l'article 11, paragraphe 1, de la Déclaration Universelle des dDroits de l'Homme, avait été violé. Enfin, le Groupe de travail a également établi que l'admission par le tribunal de preuves obtenues sous la torture constituait une autre violation de l'article 14(3)(g) du Pacte.
Enfin, M. Kazim et son avocat n'ont pas pu contester des éléments de preuve ou de contre-interroger des témoins au cours de son procès. Le Groupe de travail a donc estimé que son droit à l'égalité des armes avait été bafoué, en violation de l'article 14(3)(e) du Pacte. En outre, au moment de la communication de la source, le procès de M. Kazim était en cours depuis plus de cinq ans. Le Gouvernement n'ayant fourni aucune justification pour expliquer ce retard, le Groupe de travail l'a jugé inacceptable et donc contraire au droit de M. Kazim d'être jugé sans retard excessif, conformément à l'article 9(3) et l'article 14(3)(c) du Pacte.
En conséquence, le Groupe de travail a établi que sa détention était arbitraire au titre de la catégorie III.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a estimé que la détentions d’Ahmad Abdulrazzak Basha Kazim était arbitraire et relevait des catégories I et III car leur privation de liberté était contraire aux articles 2, 9, 14 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Compte tenu des circonstances de l’affaire, le Groupe de travail a estimé que la mesure appropriée serait de le libérer immédiatement et lui accorder le droit d’obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation, conformément au droit international.
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