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GUINÉE ÉQUATORIALE ET TOGO : DÉTENTION ARBITRAIRE DE SIX OPPOSANTS POLITIQUES JUGÉS COLLECTIVEMENT

ILAAD

La Ligue internationale contre la détention arbitraire exhorte les gouvernements équato-guinéen et togolais à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre l’avis n° 9/2023 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Sahil Bahaba Madi, Moubarak Hamed, Francisco Micha Obama, Desiderio Ndong Abeso Abuy, Adolfo Secundino Esono Mba Oyana et Lucas Ntutumu Otogo Ayecaba, en demandant au Gouvernement équato-guinéen de libérer les six individus immédiatement et sans condition et au gouvernements équato-guinéen et togolais de leur accorder un droit exécutoire à réparation et indemnisation, en conformité avec le droit international.


Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant Sahil Bahaba Madi, Moubarak Hamed, Francisco Micha Obama, Desiderio Ndong Abeso Abuy, Adolfo Secundino Esono Mba Oyana et Lucas Ntutumu Otogo Ayecaba (Guinée équatoriale et Togo) : Avis No. 9/2023.


ARRÊTÉS SANS BASE LÉGALE ET DÉTENUS AU SECRET


Le 27 décembre 2017, les autorités équato-guinéennes auraient arrêté 30 individus pour leur implication dans une tentative de coup d'État. Entre décembre 2017 et février 2019, le gouvernement équato-guinéen aurait arrêté des opposants présumés ainsi que des membres du principal parti politique d'opposition. MM. Madi, Hamed, Micha Obama, Abseo Abuy, Mba Oyana et Otogo Ayecaba se trouvaient parmi 130 personnes arrêtées et accusées de crimes contre le chef de l'État, de trahison, de rébellion, de possession et de stockage d'armes, de terrorisme et de financement du terrorisme. Ils ont été jugés dans le cadre d'un procès collectif. MM. Abeso Abuy, Mba Oyana et Otogo Ayecaba sont trois des nombreux accusés dont l'arrestation a été fondée, en tout ou en partie, sur leurs liens familiaux avec des participants présumés au coup d'État. MM. Madi et Hamed, tous deux originaires du Cameroun, ont été accusés d'avoir participé à la tentative de coup d'État, tandis que M. Obama a été accusé d'avoir financé le coup d'État et transféré du Togo vers la Guinée équatoriale pour y être jugé. Aucun mandat d'arrêt n'a été présenté ni aucune possibilité de s'opposer au transfert de M. Micha Obama. 


Le Groupe de travail a déclaré que le Gouvernement avait violé l'article 9 du Pacte en ne délivrant pas de mandat d'arrêt à l'encontre des six personnes, en ne leur expliquant pas la raison de leur arrestation et en ne les informant pas promptement des charges retenues contre elles. Toute personne privée de liberté a le droit de contester la légalité de sa détention devant un tribunal et d'être libérée rapidement si la détention est jugée illégale, conformément à l'article 9 du Pacte. Le Groupe de travail a en outre pris note de l'allégation non réfutée selon laquelle les six personnes avaient été placées en détention au secret, dont il a rappelé qu'elle était intrinsèquement arbitraire et constituait une violation de l'article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de l'article 16 du Pacte. En conséquence, le groupe de travail a déclaré que la détention au secret constituait une violation du droit de contester la légalité de la détention devant un tribunal et privait les six personnes de leur droit à un recours effectif.


De plus, concernant la question spécifique du transfert de M. Micha Obama du Togo vers la Guinée équatoriale, le Groupe de travail a rappelé que les transferts et les détentions en dehors de toute procédure judiciaire, privant les individus de l'accès à un avocat ou de la possibilité de comparaître devant une autorité judiciaire pour contester leur transfert, sont considérés comme arbitraires. En conséquence, notant les allégations incontestées contre le Togo, le Groupe de travail a conclu que la détention de M. Micha Obama était dépourvue de base légale, en violation des articles 3 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 9 du Pacte.


Le Groupe de travail a donc estimé que leur privation de liberté était privée de base légale, et donc arbitraire au titre de la catégorie I.


PRIVÉS DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE DANS LE CADRE D’UN PROCÈS COLLECTIF DE PLUS DE 130 PERSONNES


Le Groupe de travail a estimé que le procès collectif de 130 personnes, au terme duquel ont été condamnés les six individus, ne permettait pas une évaluation juridique individuelle conforme aux principes de la responsabilité pénale individuelle et de la présomption d'innocence, et compromettait leur capacité à exercer de manière effective leur droit de faire examiner leur condamnation par une juridiction supérieure, tel qu'il est garanti par l'article 14 du Pacte.


En outre, selon des allégations non contestées, à mi-parcours du procès, deux magistrats, l'un militaire et l'autre de la police, ont été ajoutés au procès civil. Le Groupe de travail a estimé que cela constituait une violation du droit des six personnes à ce que leur cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, garanti par l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et par l'article 14 du Pacte.


SOUMIS À DES ACTES DE TORTURE POUR OBTENIR DES AVEUX


Les six personnes auraient été soumises à des actes de torture afin de leur soutirer des aveux. Le Gouvernement n'a pas nié cette allégation. Le Groupe de travail a rappelé que la torture porte gravement atteinte au droit à un procès équitable et viole le droit de ne pas être contraint de témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable, tel qu'énoncé à l'article 14 (3) (g), du Pacte. Le Groupe de travail a également rappelé que le recours aux aveux forcés est contraire à l'article 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu'au principe 21 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement. En conséquence, le Groupe de travail a conclu que les droits des six personnes à un procès équitable, garantis par l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et l'article 14 du Pacte, avaient été violés.


Le Groupe de travail a conclu que le non-respect des normes internationales relatives au droit à un procès équitable pour les six personnes était d'une telle gravité que la privation de leur liberté revêt un caractère arbitraire au titre de la catégorie III.


PRIVÉS DU DROIT À L'AIDE CONSULAIRE ET DISCRIMINÉS EN RAISON DE LEUR NATIONALITÉ


Le Groupe de travail a noté que le Cameroun n'avait pas été informé de l'arrestation de ses ressortissants, MM. Madi et Hamed, bien que le Cameroun et la Guinée équatoriale soient tous deux parties à la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Par conséquent, le Groupe de travail a considéré qu’en privant le droit MM. Madi et Hamed à l'aide consulaire, le Gouvernement a méconnu les articles 9, 10 et 11 (1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les articles 9 (1) et 14 (1) du Pacte, et le principe 16 (2) de l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement.


En outre, le Groupe de travail a rappelé que la détention est arbitraire dans la catégorie V lorsqu'elle constitue une violation du droit international résultant d'une discrimination fondée sur des motifs protégés tels que l’origine nationale, qui tend ou peut conduire au non-respect du principe de l'égalité entre les êtres humains. En l'absence de contestation de la part du Gouvernement sur le fait que MM. Hamed et Madi auraient été soumis à un traitement discriminatoire, notamment en raison du fait qu’ils ont été accusés de tentative de coup d'État en raison de leur statut d'étrangers et soumis à des traitements pires que celui des détenus nationaux, notamment en étant forcés de manger et de dormir directement sur le sol, privés d'accès à l'eau potable, de soins médicaux et de la possibilité de laver leurs vêtements. Le Groupe de travail a par conséquent considéré qu'ils étaient privés de liberté pour des raisons discriminatoires, à savoir leur origine nationale, en violation des articles 2 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des articles 2 (1) et 26 du Pacte, ce qui rend leur privation de liberté arbitraire au titre de la catégorie V.


CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE


A la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a estimé que : 


  • S’agissant du Togo, la privation de liberté de Francisco Micha Obama était arbitraire et relevait de la catégorie I, car elle était contraire aux articles 3 et 9 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques et à l'article 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

  • S’agissant de la Guinée équatoriale, les privations de liberté de Sahil Bahaba Madi, Moubarak Hamed, Francisco Micha Obama, Desiderio Ndong Abeso Abuy, Adolfo Secundino Esono Mba Oyana, et Lucas Ntutumu Otogo Ayecaba étaient arbitraires et relevaient de la catégorie I et III, car elle étaient contraires aux articles 2, 9, 14, et 16 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques et aux articles 3, 6, 8, 9, 10, et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. De plus, les privations de liberté de Sahil Bahaba Madi et Moubarak Hamed étaient également arbitraires et relevaient de la catégorie V, car elles étaient contraires aux articles 2 et 26 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques et aux articles 2 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.


Le Groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, la solution appropriée serait de le libérer immédiatement et de lui accorder un droit exécutoire à réparation et indemnisation, conformément au droit international.

 

 

 


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