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BÉNIN: DÉTENTION ARBITRAIRE DU DÉFENSEUR DES DROITS ET MILITANT FRÉDÉRIC JOËL AÏVO

ILAAD

La Ligue internationale contre la détention arbitraire demande au Gouvernement du Bénin de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l’avis n°21/2024 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Frédéric Joël Aïvo, demandant au Bénin de libérer immédiatement Frédéric Joël Aïvo et lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.


Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant Frédéric Joël Aïvo (Bénin) : Avis n°21/2024.


ARRÊTÉ À LA SUITE DES ÉLÉCTIONS PRÉSIDENTIELLES


Frédéric Joël Aïvo est professeur de droit, défenseur des droits et militant au Bénin. Il fut membre de plusieurs commissions constitutionnelles sous différents présidents du Bénin. En 2009, il a également cofondé l’Association béninoise de droit constitutionnel, dont il a été président jusqu’en 2020. Il s’est opposé à la révision de la Constitution du 11 décembre 1990 en 2016. M. Aïvo s’est opposé à la loi du 7 novembre 2019 imposant que les candidats à l’élection présidentielle obtiennent au moins 10% de parrainage de maires et députés, disposition qu’il considère comme favorisant le parti majoritaire. Cette loi, finalement adoptée, a été appelée à être abrogée par la Cour africaine des Droits des l’Homme.


En 2020, M. Aïvo cofonde le Front pour la restauration de la démocratie, réunissant les partis politiques d’opposition à l’occasion de l’élection présidentielle de 2021, à laquelle M. Aïvo s’est présenté comme candidat contre le Président Talon. Suite à l’élection de M. Talon, une vague de répression et d’arrestations s’est déchaînée contre les opposants politiques. M. Aïvo a été arrêté le 15 avril 2021 dans sa voiture en direction de l’Université, quatre jours après l’élection.


Le Gouvernement du Bénin, à qui la communication a été transférée, n’a pas fourni de réponse dans les délais impartis.


ARRÊTÉ SANS MANDAT ET PLACÉ EN DÉTENTION PROVISOIRE


Considérant l’absence de réponse du gouvernement du Bénin, le Groupe de Travail sur la détention arbitraire a considéré crédibles les allégations de la source, selon lesquelles M. Aïvo a été arrêté sans mandat d’arrêt ou document équivalent. De même, le Groupe de Travail a noté que rien n’indiquait que l’arrestation a eu lieu dans une situation de flagrant délit. Pour ces raisons, le Groupe de Travail considère que le gouvernement du Bénin a violé l’article 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et l’article 9 (1) et (2) du Pacte.


Selon la source, le lendemain de son arrestation, M. Aïvo a comparu devant le Procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, qui a ordonné à ce que M. Aïvo soit placé en détention provisoire. Il ne fut entendu devant la chambre de jugement de la Cour que trois mois plus tard, le 15 juillet 2021. Considérant l’absence de réponse du gouvernement à ces accusations et que ce dernier n’a pas démontré la dangerosité et le risque de fuite de M. Aïvo par une évaluation individualisée, le Groupe de Travail a considéré la détention de M. Aïvo comme contraire à l’article 9 (3) du Pacte.


Pour les raisons susmentionnées, le Groupe de Travail a considéré que la détention de M. Aïvo était arbitraire et relevait de la catégorie I.


DÉTENU POUR SON OPPOSITION AU GOUVERNEMENT


Le Groupe de Travail a affirmé avoir pris en considération la dégradation alléguée de la situation démocratique au Bénin, et les allégations de la source selon laquelle M. Aïvo a cofondé le Front pour la restauration de la démocratie qui l’a investi comme candidat à l’élection présidentielle. Le Groupe de Travail a noté également que M. Aïvo aurait été arrêté dans le contexte de son appel au boycott pacifique de l’élection présidentielle, faisant écho aux nombreuses manifestations ayant éclaté dans le pays suite à la décision du Président Talon de proroger son mandat au-delà du 6 avril 2021.


En tenant compte de ces éléments, le Groupe de Travail a conclu que la détention de M. Aïvo résultait de l’exercice de ses droits à la liberté d’expression et à la libre association, de son droit de réunion pacifique et de son droit de participer à la direction des affaires publiques de son pays.


La violation de ces droits, consacrés par les articles 19, 20 et 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et des articles 19, 21, 22, et 25 du Pacte, confère un caractère arbitraire à la détention de M. Aïvo au titre de la catégorie II.


NOMBREUSES VIOLATIONS DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE


Le Groupe de Travail a noté que la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme est une juridiction d’exception rattachée au Conseil supérieur de la magistrature du Bénin, qui serait elle-même sous contrôle direct du Président de la République, allégation irréfutée par le Gouvernement. Sachant que M. Aïvo a été accusé de « blanchiment de capitaux » et de « complot contre la sûreté de l’État », le Groupe de Travail a considéré qu’il ne put bénéficié de son droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et indépendant, en violation de l’article 14 du Pacte et de l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.


Cette conclusion est alourdie par la condamnation à dix ans d’emprisonnement et à une amende de 45 millions de francs CFA, condamnation que le Groupe de Travail juge trop lourde à l’issue d’un procès de seulement quatorze heures.


De plus, la source affirme que les avocats de M. Aïvo ont subit des pressions et menaces de la part du directeur de la Brigade économique et financière, qu’ils n’ont pu examiner le dossier contre lui que pendant deux jours et que leurs visites ont été soumises à des restrictions. Au vu de l’absence de réponse du gouvernement, le Groupe de travail a considéré que les autorité avaient violé le principe d’égalité des armes et le droit de M. Aïvo de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, tel que garanti par l’article 14 (3)(b) du Pacte.


Pour les raisons susmentionnées, le Groupe de Travail a considéré que la détention de M. Aïvo était arbitraire conformément à la catégorie III.


DÉTENU EN RAISON DE SES OPINIONS POLITIQUES


Considérant la communication de la source, de la mobilisation de M. Aïvo contre les réformes constitutionnelles, en faveur de la démocratie et des droits humains, et pour ses critiques contre le gouvernement du Président Talon, le Groupe de Travail a considéré que la détention de M. Aïvo était discriminatoire. Le Groupe de Travail a conclu que le gouvernement béninois menait une pratique visant à le cibler en raison de ses opinions politiques, en violation des articles 2 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et des articles 2(1) et 26 du Pacte. En conséquence, la détention de M. Aïvo a été jugée arbitraire au titre de la catégorie V.

 

CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE


Le Groupe de Travail a fait part de son inquiétude concernant les allégations de détention de M. Aïvo dans des conditions inhumaines, cruelles et dégradantes. Du 16 avril au 9 juin 2021, M. Aïvo était détenu avec 38 autres personnes dans d’anciennes toilettes publiques, dans lesquelles il aurait contracté la COVID-19. Il ne fut transféré dans une cellule moins peuplée que le 9 juin 2021. De plus, M. Aïvo n'aurait été autorisé à voir sa famille que quelques minutes, attaché à une barrière à l’entrée de la prison, à la vue de tous depuis près de deux ans. Au vu de ces allégations faites par la source et de l’absence de réponse du Gouvernement, le Groupe de Travail a rappelé le Bénin à l’obligation de veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, consacrée à l’article 10 (1) du Pacte.


À la lumière des éléments susmentionnés, le Groupe de travail des Nations Unies contre la détention arbitraire a estimé que la détention de Frédéric Joël Aïvo était arbitraire et relevait des catégories I, II, III et V parce que sa privation de liberté était contraire aux articles 2, 3, 7, 9, 10, 11, 19, 20 et 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des articles 2, 9, 14, 19, 21, 22, 25 et 26 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques.


Le Groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, le remède approprié serait de libérer immédiatement et sans condition Frédéric Joël Aïvo et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.

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