La Ligue Internationale Contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement bahreïnien à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n°47/2023 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Abduljabbar Isa Abdulla Hasan Mohamed, Fadhel Abbas Abdulla Hasan Mohamed, Ahmed Abdulla Marhoon Rashed, Hasan Ali Abdulla Rashed Ahmed Rashed, Mohamed Abduljabbar Mansoor Ali Husaini Sarhan et Faris Husain Habib Ahmed Salman, en demandant au Gouvernement bahreïnien de les libérer immédiatement et sans condition et de leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'avis complet du GTDA concernant ces six individus (Bahreïn) : Avis n° 47/2023.
ARRÊTÉS ET DÉTENUS ILLÉGALEMENT SUR LA BASE D'ACCUSATIONS LIÉES AU TERRORISME
MM. Abduljabbar Mohamed, Fadhel Mohamed, Ahmed Rashed, Hasan Rashed, Mohamed Sarhan et Faris Salman sont des ressortissants de Bahreïn, nés entre 1988 et 2005. Tous avaient des activités et/ou des professions différentes au moment de leurs arrestations respectives.
Ils ont été arrêtés entre le 21 et le 26 novembre 2021 sur leur lieu de travail ou à leur domicile. Avant cela, M. Ahmed Rashed avait été arrêté pour la première fois en 2012 et condamné à 5 ans et 6 mois pour avoir été accusé d'avoir joué un rôle dans les explosions qui se sont produites à Diraz et à 3 ans supplémentaires pour avoir été accusé d’avoir agressé des officiers de police en prison. Il a été libéré le 18 mars 2020. De même, M. Salman avait préalablement été arrêté le 9 février 2021, alors qu'il était mineur. Les charges retenues contre lui concernaient les manifestations de février 2020 mais, selon la source, grâce à la mobilisation d’organisations internationales de défense des droits de l'homme, il a été libéré le 11 mars 2021.
S’agissant des arrestations ayant eu lieu en novembre 2021, tous ont été arrêtés sans que leur soit présenté un mandat ou un motif d'arrestation. Ils ont été détenus à la Direction des enquêtes criminelles après leur arrestation, interrogés et menacés d'être torturés ou directement torturés.
Tous, à l'exception de M. Hasan Rashed, ont été condamnés par défaut à dix ans d’emprisonnement. Les chefs d'accusation portés contre eux étaient les suivants : appartenance à une cellule terroriste, possession d'engins explosifs, d'armes et de munitions, suivi d’un entraînement militaire et réception et remise de fonds provenant d'une cellule terroriste. M. Hasan Rashed a été condamné par défaut à trois ans d’emprisonnement pour les mêmes chefs d'accusation. Pour trois d'entre eux, la cellule terroriste qu'ils étaient accusés d'avoir rejointe était celle des Brigades Al-Ashtar.
Le Groupe de travail a transmis ces allégations au Gouvernement bahreïnien, qui les a contestées.
ARRÊTÉS SANS AVOIR ÉTÉ INFORMÉS DE LA RAISON ET SANS POUVOIR CONTESTER LEUR DÉTENTION
Les six individus ont été arrêtés sans avoir été informés des raisons de leur arrestation ou des charges retenues contre elles au moment de leur arrestation. Le gouvernement de Bahreïn a répondu que des mandats d'arrêt avaient été émis mais n'a pas apporté la preuve que les individus avaient été informées des raisons de leurs arrestations. Pour cette raison, le Groupe de travail a estimé que cette situation constituait une violation de l'article 9 (2) du Pacte.
De plus, aucun des six individus n'a été présenté à une autorité judiciaire dans les 48 heures suivant leurs arrestations. Ces allégations n'ont pas été réfutées par le gouvernement. Le Groupe de travail a constaté dans ces situations une violation de l'article 9 (3) du Pacte. Le Groupe de travail souligne également que M. Hasan Rashed étant mineur au moment de son arrestation, un délai de 24 heures pour être présenté à une autorité compétente est requis en vertu des articles 37 (b) et 40 (2) (b) (ii) de la Convention relative aux droits de l'enfant.
En outre, la source affirme que les six individus se sont vu refuser ou restreindre la possibilité de communiquer avec leurs familles, leurs avocats ou du personnel médical indépendant. En effet, après leur arrestation, les contacts avec leurs familles ont été compliqués et sporadiques (c'est-à-dire des appels téléphoniques de temps en temps), tout comme leurs contacts avec leurs avocats, quand ils n'ont pas été refusés du tout (c'est-à-dire M. Salman). La réponse du gouvernement n'a pas satisfait le Groupe de travail car la preuve apportée d'une liste d'appels téléphoniques ne concerne que les mois d'avril à juin 2023 alors qu'ils ont été arrêtés en novembre 2021.
Ainsi, ce refus ou cette restriction d'accès au monde extérieur a conduit le Groupe de travail à considérer que leur droit de contester la légalité de leur détention a été violé et, ce faisant, a violé l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et les articles 2(3) et 9(4) du Pacte, mais aussi l'article 58 de l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et les principes 15 et 19 de l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement.
Par conséquent, le groupe de travail a estimé que les arrestations et les détentions de ces six individus étaient toutes arbitraires au sens de la catégorie I.
MULTIPLES VIOLATIONS DE LEUR DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
Comme mentionné ci-dessus, les six individus ont dû faire face à des restrictions d'accès à un avocat. Abduljabbar Mohamed, Fadhel Mohamed, Ahmed Rashed et Hasan Rashed n'ont pas eu accès à un avocat parce qu'ils n'en avaient pas selon la réponse du gouvernement, M. Sahan a eu accès à un avocat pendant l'interrogatoire et le procès, mais le gouvernement n'a pas précisé s'il avait eu accès à lui pendant la première période d'interrogatoire de 10 jours. En ce qui concerne M. Salman, le groupe de travail n'a pas reçu d'informations du gouvernement indiquant que le détenu avait accès à une représentation juridique indépendante.
De ce fait, les six individus n'ont pas été en mesure de préparer leur défense de manière adéquate, avec suffisamment de temps et de moyens. Le Groupe de travail a estimé que ces situations constituaient une violation de l'article 14(3)(b) du Pacte. Une mention spéciale pour M. Hasan Rashed qui était mineur à l'époque et dont la situation relève des articles 37 (d) et 40 (2) (b) (ii) de la Convention relative aux droits de l'enfant.
En outre, la source affirme que les six individus ont subi des tortures et des mauvais traitements. Le gouvernement de Bahreïn a contesté ces allégations en déclarant que l'Unité spéciale d'enquête et le Bureau du Médiateur avaient enquêté sur ces allégations. Toutefois, le Groupe de travail rappelle que le Comité contre la torture a noté dans ses observations de 2017 que les organes mentionnés n'étaient pas "indépendants et efficaces". Le Groupe de travail a conclu que ces situations violent l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 7 du Pacte. Le Groupe de travail rappelle également l'article 37 (a) et (c) de la Convention relative aux droits de l'enfant et les articles 2 et 16 de la Convention contre la torture en ce qui concerne M. Hasan Rashed, car il était mineur au moment de son arrestation.
De plus, comme les aveux ont été obtenus par la torture et que les détenus ont certainement été condamnés grâce aux déclarations qui en ont découlé et que le gouvernement n'a pas été en mesure de renverser la charge de la preuve, le Groupe de travail a constaté une violation du droit à la présomption d'innocence et du droit de ne pas être contraint de s'avouer coupable en vertu des articles 14(2) et (3)(g) du Pacte et du principe 21 de l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement. Les articles 40 (2) (b) (i) et 40 (2) (b) (iv) de la Convention relative aux droits de l'enfant ont également été mentionnés par le Groupe de travail car M. Hasan Rashed était mineur au moment de son arrestation.
Par conséquent, le Groupe de travail a estimé que les violations du droit à un procès équitable et du droit à une procédure régulière étaient toutes arbitraires et relevaient de la catégorie III.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière des éléments susmentionnés, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a estimé que les détentions d'Abduljabbar Isa Abdulla Hasan Mohamed, Fadhel Abbas Abdulla Hasan Mohamed, Ahmed Abdulla Marhoon Rashed, Hasan Ali Abdulla Rashed Ahmed Rashed, Mohamed Abduljabbar Mansoor Ali Husaini Sarhan et de Faris Husain Habib Ahmed Salman étaient arbitraires et relevaient des catégories I et III parce que leur privation de liberté était contraire aux articles 3, 5, 6, 8, 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 2, 7, 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Groupe de travail a recommandé au Gouvernement du Bahrain de prendre sans délai les mesures nécessaires pour remédier à la situation d'Abduljabbar Isa Abdulla Hasan Mohamed, de Fadhel Abbas Abdulla Hasan Mohamed, d'Ahmed Abdulla Marhoon Rashed, d'Hasan Ali Abdulla Rashed Ahmed Rashed, de Mohamed Abduljabbar Mansoor Ali Husaini Sarhan et de Faris Husain Habib Ahmed Salman, et de la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, le remède approprié serait de les libérer immédiatement et sans condition, de leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international, et de garantir une enquête complète et indépendante sur les circonstances entourant la détention arbitrale et les allégations de torture.
Enfin, le Groupe de travail a noté que ces cas s'inscrivaient dans un schéma plus large de "détention provisoire sans mandat avec accès limité à un contrôle judiciaire ; refus d'accès à un avocat ; aveux forcés ; torture et mauvais traitements ; et refus de soins médicaux" qui semble avoir émergé ces dernières années au Bahreïn.
Comments