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ARABIE SAOUDITE : DÉTENTION ARBITRAIRE DE DEUX FRÈRES DÉFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME

ILAAD

La Ligue internationale contre la détention arbitraire  exhorte le Gouvernement saoudien de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n°56/2023 du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire concernant Salman Fahed Alodah et Khaled Alodah, en demandant au Gouvernement saoudien de les libérer immédiatement et sans condition ainsi que leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.


Lire l'avis complet du GTAD concernant Salman Fahed Alodah et Khaled Alodah (Arabie Saoudite) : Avis n° 56/2023.


UN PENSEUR RELIGIEUX ET UN UNIVERSITAIRE ARRÊTÉS POUR AVOIR DÉFENDU LES DROITS DE L'HOMME


Salman Fahed Alodah, né en février 1957, est un ressortissant saoudien et un penseur et philosophe religieux ainsi qu’un défenseur pacifiste des libertés et des droits civils. Membre du mouvement du « Réveil islamique » (Al-Sahwa al-Islamiyya) depuis les années 1990, de la promotion religieuse de la démocratie et des droits de l’homme dans le pays. Ses prises de positions anti conformistes ont fait l’objet d’une répression et d’arrestations à plusieurs reprises, plus encore depuis l'accession au pouvoir du prince héritier en 2017. Khaled Alodah, né en 1964, qui est un universitaire et un ressortissant saoudien résidant à Buraydah, dans la province d’Al-Qassim, est le frère de M. Salman Fahed Alodah.


Le 7 septembre 2017, M. Salman Alodah a été arrêté à son domicile à Riyad par deux agents de la sécurité de l'État en civil, sans mandat ni explication. Son arrestation faisait suite à son refus de publier un tweet soutenant la politique menée par le prince héritier à l'égard du Qatar. Le 12 septembre 2017, M. Khaled Alodah a été arrêté pour avoir dénoncé publiquement l'arrestation de son frère. Tous deux ont été détenus dans des lieux tenus secrets, sans accès à un avocat ni contact avec leur famille - ce qui constitue une disparition forcée - jusqu'à ce que le gouvernement reconnaisse officiellement leur détention le 26 décembre 2017. Cette reconnaissance a été faite après que le cas de M. Salman Alodah ait été soumis au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.


M. Salman Alodah a été informé des 37 chefs d'accusation retenus contre lui le 4 septembre 2018, après des mois d'isolement présumé et de torture. Aucun ne faisait référence à des actes précis de violence ou d’incitation à la violence. Quant à M. Khaled Alodah, il a été accusé de « s’être montré solidaire de son frère » et «  avoir tenté d’instrumentaliser l’arrestation de son frère pour semer la discorde et porter atteinte à la sécurité » en octobre 2018. M. Khaled Alodah a été condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement, portée à huit ans en appel, tandis que M. Salman Alodah est toujours en détention provisoire et risque la peine de mort.


Le Gouvernement saoudien a eu la possibilité de répondre à ces allégations, ce qu'il a fait le 27 avril 2023.


ARRÊTÉS SANS MANDAT ET SOUMIS À UNE DÉTENTION PROLONGÉE

 

Salman et Khaled Alodah ont été arrêtés sans qu'un mandat d'arrêt ne leur ait été présenté et sans qu'ils aient été informés des raisons de leur arrestation. Le Groupe de travail a considéré que la réponse du gouvernement était insuffisante, notant notamment que seules des autorités spécifiques peuvent émettre des mandats d'arrêt et que l'information des détenus des charges lors de leur première audience était beaucoup trop tardive. Le Groupe de travail a donc constaté une violation des articles 3 et 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.


En outre, le Gouvernement n'a pas informé les familles de MM. Salman Alodah et Khaled Alodah de leur sort et du lieu où ils se trouvaient pendant près de quatre mois après leur arrestation, les plaçant ainsi dans une situation de disparition forcée et les empêchant de contester leur détention. En conséquence, le Groupe de travail a estimé qu'ils se sont vu refuser le droit à un recours effectif et à la reconnaissance de leur personnalité juridique, ce qui constitue une violation des articles 6 et 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.


Ils ont été arrêtés sur la bases d’infractions à la loi sur la lutte contre le terrorisme et le financement du terrorisme et à la loi sur la répression de la cybercriminalité, M. Salman Alodah étant également accusé au titre de la loi sur la lutte contre le blanchiment d'argent. Selon la jurisprudence du Groupe de travail, les dispositions contenues dans ces lois sont trop vagues et générales et violent donc le principe de légalité énoncé dans l'article 11(2) de la Déclaration universelle des droits de l'homme. En particulier, le Groupe de travail a noté que l'absence de garanties procédurales contribue souvent à des détentions de longue durée, des violations de la présomption d’innocence et des retards dans les procès, ce qui est contraire à l’article 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En outre, la condamnation de M. Khaled Alodah en vertu de l'article 6 de la loi sur la répression de la cybercriminalité, précédemment critiquée par le Groupe de travail pour ses termes vagues et généraux, porte atteinte au principe de sécurité juridique.


Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de travail a donc estimé que leur détention était dépourvue de base juridique, ce qui la rendait arbitraire au sens de la catégorie I.


DÉTENUS POUR AVOIR EXERCÉ LEURS LIBERTÉS D'OPINION, D'EXPRESSION ET DE RELIGION


La détention de M. Salman Alodah découle de l'exercice pacifique de sa liberté d'opinion et d'expression, résultant de son activité de plaidoyer en faveur de réformes démocratiques et des droits de l'homme. De même, M. Khaled Alodah a été détenu pour avoir publiquement soutenu son frère et critiqué les actions du Gouvernement. Considérant que le Gouvernement n'a pas dûment justifié les raisons pour lesquelles ces libertés auraient dû être restreintes conformément à l'article 29(2) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Groupe de travail a estimé que la détention de MM. Salman et Khaled Alodah découlait de l'exercice légitime de ces libertés, ce qui constitue une violation de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.


La critique de l’élite religieuse saoudienne par M. Salman Alodah étant également protégée par la liberté de manifester sa religion, le Groupe de travail a également constaté une violation de l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.


Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de travail a donc estimé que leur détention était arbitraire et relevait de la catégorie II.


MANQUE D'ASSISTANCE JURIDIQUE, RETARDS INJUSTIFIÉS ET ALLÉGATIONS DE TORTURE


Selon la source, M. Salman Alodah et M. Khaled Alodah été privés d’accès à un avocat pendant leur détention provisoire et n'ont été informés des charges retenues contre eux qu'au moment de leur première comparution devant le tribunal. En outre, tous deux ont subi une disparition forcée pendant plus de quatre mois. Étant donné que le Gouvernement n'a pas réfuté ces allégations, le Groupe de travail a estimé que les deux personnes s'étaient vu refuser leur droit à l’assistance d’un avocat, qui relève du droit à un procès équitable garanti par les articles 10 et 11(1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.


Lors de sa communication, la source a fait valoir que M. Salman Alodah était en détention provisoire depuis plus de quatre ans, ce que le Gouvernement justifiait par la gravité des charges retenues contre lui. Jugeant cette réponse insuffisante, le Groupe de travail a estimé que M. Salman Alodah avait été privé de son droit d’être jugé sans retard excessif, consacré par les articles 10 et 11(1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. En outre, le Groupe de travail a noté que la Cour pénale spécialisée ​​par laquelle M. Khaled Alodah a été jugé et condamné et devant laquelle le procès de M. Salman Alodah est en cours ​​ manque d'indépendance et d'impartialité, ce qui constitue une violation de l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.


Enfin, la source affirme que MM. Salman et Khaled Alodah ont tous deux été soumis à la torture. Plus précisément, la source a affirmé que le premier avait été soumis à des années d’isolement, de privation sensorielle et d’autres formes de torture physique et psychologique. Considérant la réponse insuffisante du Gouvernement à ces allégations, le Groupe de travail a rappelé que de telles allégations pourraient compromettre davantage l'équité de leurs procès, et a renvoyé ce cas à la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.


Dans l'ensemble, le Groupe de travail a estimé que ces violations étaient suffisamment graves pour rendre leur détention arbitraire au titre de la catégorie III.


DÉTENUS POUR AVOIR CRITIQUÉ LE PRINCE HÉRITIER ET LE GOUVERNEMENT


Enfin, la source soutient que M. Salman Alodah a été détenu pour des motifs discriminatoires car il est un théologien vivant dans une théocratie, et sa critique du pouvoir royal est considérée comme une transgression à la fois politique et religieuse, criminalisée par la loi de lutte contre le terrorisme.  En ce qui concerne M. Khaled Alodah, sa détention est discriminatoire car il a été arrêté en raison d’un message de soutien à son frère qu’il avait publié sur Twitter. La source a notamment indiqué qu'en ce qui concerne la dénonciation publique de l'arrestation de son frère, des interdictions de voyager ont été imposées à 17 membres de la famille. Le Gouvernement n'a fourni aucune preuve substantielle pour contrer ces allégations.


Le Groupe de travail a donc conclu que les deux personnes ont été privées de leur liberté pour des motifs discriminatoires, à savoir leurs opinions politiques et religieuses et leur statut de défenseurs des droits de l'homme. Leur détention constitue donc une violation des articles 2 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.


Par conséquent, le Groupe de travail a conclu que la détention de MM. Slaman Alodah et Khaled Alodah était arbitraire au titre de la catégorie V.


CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE


À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a estimé que les détentions de Salman Fahed Alodah et Khaled Alodah étaient arbitraires et relevaient des catégories I, II, III et V car leur privation de liberté était contraire aux articles 2, 3, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 18 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. 

 

Le Groupe de travail a demandé au Gouvernement saoudien de prendre sans délai les mesures nécessaires pour remédier aux situations de MM. Slaman et Khaled Alodah et led mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Compte tenu des circonstances de l’affaire, le Groupe de travail a estimé que la mesure appropriée serait de les libérer immédiatement et leur accorder le droit d’obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation, conformément au droit international.


Le Groupe de travail demande instamment au Gouvernement de veiller à ce qu’une enquête approfondie et indépendante soit menée sur les circonstances de la privation arbitraire de liberté de MM. Slaman et Khaled Alodah, et de prendre les mesures qui s’imposent contre les responsables de la violation des droits de ceux-ci.

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