La Ligue Internationale Contre la Détention Arbitraire exhorte le gouvernement des Émirats Arabes Unis à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'Avis No. 19/2023 du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire concernant Omran Ali Hasan al-Radwan al-Harithi, Abdullah Abdulqader Ahmad Ali al-Hajiri, Ahmed Yousef Abdullah al-Zaabi, Mohammed Abdulrazzaq Mohammed al-Siddiq, Husain Moneif al-Jabri, Hasan Moneif al-Jabri, Sultan Bin Kayed Mohammed al-Qasimi, Khalifa Hilal Khalifa Hilal al-Nuaimi, Ibrahim Ismail Ibrahim al-Yasi, Mohammed Abdullah al-Roken, Abdulsalam Mohammed Darwish al-Marzooqi et Fouad Mohammed Abdullah Hasan al-Hmadi, en demandant au gouvernement des Émirats Arabes Unis de libérer immédiatement ces 12 personnes et de leur accorder un droit à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant ces personnes (Émirats Arabes Unis) : Avis No. 19/2023.
ARRÊTÉS ILLÉGALEMENT ET DÉTENUS INDÉFINIMENT SANS BASE LÉGALE
En mars 2011, un groupe de 133 universitaires, juges, avocats, étudiants et défenseurs des droits humains Émiratis ont signé une pétition appelant à des réformes démocratiques. Le gouvernement Émirati aurait alors lancé une campagne d'arrestations contre ces signataires. Parmi eux, les 12 personnes concernées par cet avis, qui ont été arrêtées en 2012 et ont reçu des peines de prison allant de sept à dix ans.
Par la suite, une loi permettant la détention d'individus dans des centres Munasaha, au motif que ces derniers représenteraient des menaces terroristes, a été promulguée. En 2019, cette loi a été élargie pour permettre la détention continue de ce type d'individus après leur peine à des fins de réhabilitation, avec peu de possibilités de recours. En ce qui concerne les 12 personnes de cet avis, malgré l'expiration de leur peine respective, un tribunal a décidé de les maintenir en détention sous le régime Munasaha.
Ces 12 individus sont actuellement détenus en vertu de la loi sur le contre-terrorisme de 2014 et de la loi sur les centres Munasaha de 2019, bien qu'ils aient été condamnés en 2013. Le Groupe de travail a rappelé qu'en vertu de l'article 11(2) de la Déclaration universelle des droits de l'homme, ces individus ne pouvaient être inculpés ou punis pour des actes qui n'étaient pas considérés comme illégaux en vertu de la loi au moment de leur commission. En conséquence, le Groupe de travail a estimé que cela violait le principe de non-rétroactivité de la loi en matière pénale.
Le Groupe de travail a également rappelé que des lois formulées de manière vagues et larges pouvaient avoir un effet dissuasif sur le droit à la liberté d'expression, car elles pouvaient violer le principe de légalité en vertu de l'article 11(2) de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Sur cette base, le Groupe de travail a conclu que l'article 40(1) de la loi sur le contre-terrorisme n'était pas conforme au principe de légalité, et a ainsi considéré que la loi sur le contre-terrorisme violait l'article 11(2) de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
De plus, selon des allégations non contestées, ces 12 personnes étaient toujours maintenues en détention au moment de la communication de la source, et ce malgré l'expiration de leur peine. Le Groupe de travail a rappelé qu'une privation de liberté était arbitraire au sens de la catégorie I lorsqu'il était impossible d'invoquer un fondement juridique justifiant la privation de liberté, ce qui est notamment le cas lorsqu'un individu est maintenu en détention après l'expiration de sa peine. Ainsi, le Groupe de travail a établi que les détentions de ces 12 personnes manquaient d'un fondement juridique valable, violant les articles 3 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
En considérant tout ce qui précède, le Groupe de travail a conclu que les détentions de ces 12 individus étaient arbitraires au sens de la catégorie I.
PERSÉCUTÉS EN RAISON DE LEURS OPINIONS POLITIQUES
Le Groupe de travail a noté qu'en vertu de l'article 19 de la Déclaration universelle, tout le monde a le droit à la liberté d'expression, y compris le discours politique, les commentaires sur les affaires publiques, la discussion sur les droits humains et le journalisme. Le Groupe de travail a exprimé sa préoccupation quant aux lois anti-terroristes utilisant des définitions trop larges du terrorisme qui peuvent conduire à la détention injuste de personnes innocentes et de suspects, augmentant ainsi le risque de détention arbitraire.
Le Groupe de travail n'a trouvé aucune preuve que ces 12 individus représenteraient une quelconque menace pour la société dans le cas où ils seraient libérés suite à l'achèvement de leur peine. Le Groupe de travail a par ailleurs trouvé que les détentions prolongées de ces individus étaient dues aux activités publiques dans lesquelles ils étaient impliqués. Considérant qu'à travers ces dernières, les 12 individus ne faisaient qu'exercer leur liberté d'expression, le Groupe de travail en a conclu que l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme avait été violé.
Ainsi, le Groupe de travail a établi que leur privation de liberté était arbitraire au sens de la catégorie II.
En outre, le Groupe de travail a noté que ce sont les activités de ces 12 personnes, qui consistaient à critiquer pacifiquement le gouvernement, qui ont conduit à leur arrestation et détention. Considérant cela, le Groupe de travail a conclu que ces individus avaient été détenus pour des motifs discriminatoires, plus précisement en raison de leur statut de défenseurs des droits de l'homme et sur la base de leurs opinions politiques. Ainsi, le Groupe de travail a conclu que les articles 2 et 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme avaient été violés.
Le Groupe de travail a donc établi que ces détentions étaient arbitraires au sens de la catégorie V.
PRIVÉS DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
Le Groupe de travail a rappelé qu'en vertu de l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, tout le monde avait le droit à un procès équitable et public par un tribunal indépendant et impartial. Le Groupe de travail a noté les allégations non contestées concernant le manque d'indépendance des tribunaux Émiratis, pusqu'ils sont sous le contrôle effectif du pouvoir exécutif. En conséquence, le Groupe de travail a conclu que les procédures judiciaires ayant eu lieu contre ces 12 individus violaient leur droit à un procès équitable, garanti par l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme.
Le Groupe de travail a également rappelé que toute personne privée de liberté avait le droit à une assistance juridique par un conseil de son choix à tout moment pendant sa détention, et sans délai. Les 12 personnes n'auraient pas reçu de tels conseils en temps opportun. Par conséquent, le Groupe de travail a établi que leurs droits à un temps et à des moyens adéquats pour préparer et présenter une défense, ainsi qu'à l'égalité des armes, garantis par les articles 10 et 11(1) de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, avaient été violés.
Le Groupe de travail a donc considéré la détention respective de ces 12 personnes comme arbitraire, au sens de la catégorie III.
CONCLUSION DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DETENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations unies contre la détention arbitraire a considéré que les détentions de Messieurs al-Harithi, al-Hajiri, al-Zaabi, Mohammed al-Siddiq, Husain Moneif al-Jabri, Hasan Moneif al-Jabri, al-Qasimi, al-Nuaimi, al-Yasi, al-Roken, al-Marzooqi et al-Hmadi étaient arbitraires et relevaient des catégories I, II, III et V, car leur privation de liberté était en violation des articles 2, 5, 7, 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des articles 2 (3), 7, 9 (1), (2), (3) et (4), 10 et 14 (3) (c) et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Groupe de travail a considéré que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, le remède approprié serait de libérer immédiatement ces 12 individus et de leur accorder un droit à réparation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
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